Au sein du firmament

Il y était.
Après des mois de recherches et de voyages il y était.
Le chomor s'étendait devant ses yeux, sublime paysage terraqué, une merveille à grande échelle.
Apollon avait laissé place au firmament, et la nuit parsemée d'étoiles laissait présager un beau lendemain.

-Enfin...

C'était le seul mot qui avait pu sortir de sa bouche à ce moment, il marquait l'achèvement d'un long périple, le début du reste de sa vie.
Il prit le temps de s'asseoir au bord du lac qui lui faisait face et contempla le paysage...
Au loin une grande cascade s'écoulait dans un bruit doux et reposant.
Il n'y avait personne, ce monde semblait lui appartenir, c'était chez lui maintenant.
Il prit une fleur au teint purpurin et la posa au creux de sa main, il sentit "son coeur" battre, ses paupières devinrent lourdes... Puis Gaïa s'endormit.

Voilà bien longtemps que je n'étais pas retournée dans ce lieu enchanteur. J'avais oublié à quel point il était majestueux, surtout ainsi éclairé par la seule lueur du ciel nocturne.

Mais je n'étais pas venue ici par hasard, ni pour trouver un peu de solitude : il allait y avoir une nouvelle arrivée, et notre grand puissant et récent Fondateur m'en avait avertie. Le clan aqua devenait puissant, il était temps pour lui d'affirmer sa suprématie dont je ne doutais pas depuis mon adhésion dans ce clan, mais qui était auparavant controversée par les autres clans sous prétexte que jusqu'alors, il comptaient plus de membres.
Ce temps était révolu. Notre clan était désormais le plus représenté, et ces chiens d'autres Sylva, Aers et Pyro ayant eu la prétention de se proclamer clan et d'avoir des "Fondateurs" allaient chèrement payer leur arrogance.

Or l'affirmation de notre nouvelle puissance passait dans un premier temps par le contrôle de ceux qui entraient sur le Chomor. Seuls les aquas devaient passer l'Arche librement. Les autres rejoindre notre clan ou périr.
Je savais qu'on ne pouvait pas imposer ses idées par la force [Robespierre^^] mais si nous voulions triompher, il fallait bien affaiblir les autres en les privant de nouveau soutien.
Aussi étais-je venue ici en me préparant à combattre, non pas que je doutasse de ma capacité de persuasion, mais plutôt que je ne fusse pas certaine de celle d'écoute et de compréhension de mon interlocuteur.

La première phase d'un combat consistait en une observation minutieuse de l'adversaire.

Mon probablement futur ennemi était plus grand, plus fort, plus âgé que moi et il s'agissait d'un homme... Je ne m'arrêterais pas pour si peu, bien sûr, mais mon attaque nécessiterait une plus grande prudence que s'il se fut agit d'une frêle fée...
Son aura m'apprit, outre qu'il possédait une certaine force, qu'il avait adopté les moeurs sylvas. Mes lèvres dessinèrent une moue de dégoût à cette idée : quelqu'un d'apparence si puissant ne pouvait pas vouloir appartenir au clan des larves qu'étaient ces misérables insectes de sylvas !

J'attendis un peu trop sans doute avant de passer à l'attaque pour bénéficier de l'effet de surprise : le Sylva m'avait repérée...

Une main posée sur le pommeau de ma dague, aiguisée pour l'occasion, je sortis de ma retraite avec lenteur et me maintins à une distance de sécurité respectable pour éviter d'être prise au dépourvu par toute action offensive.
Je l'inerpellai :

- Sylva !

J'essayai de cacher mon dégoût à l'évocation orale de ce nom et continuai sans grande illusion quant au choix final de cet être :

- J'ai une proposition à te faire : adopte les moeurs du noble et puissant clan Aqua, et renonce à celle des faibles Sylvas, ainsi tu connaîtras la gloire.
J'attendis sa décision les muscles bandés, prête à esquiver un hypothétique assaut...

Gaïa savait qu'il était observé.
Cela faisait cinq minutes qu'un individu lui tournait autour comme un prédateur guettant sa proie.
Il l'avait senti, et ne dormait plus.

-Sylva!

Le jeune homme se releva doucement et scruta de part et d'autre de son champ de vision.
C'est là qu'il la vit.
Il l'identifia tout de suite, ses habits d'un blanc azur trahissaient son apparence.
Une Aqua.
Il comprit alors à son regard qu'elle ne lui voulait pas que du bien.
D'un geste sec il rabattit la capuche qui masquait son visage et saisit son bâton.
Le paysage autour de lui n'avait plus rien de beau, il alors regretta de n'avoir pu profiter plus longtemps de la sérénité du lieu.

-J'aurais du m'en douter.

Il avanca légèrement d'un pas et reprit un léger rictus aux lèvres:

-Le noble clan aqua? Si la candeur des aquas est si grande, pourquoi ce clan est-il déserté?

Un bâton ? C'était bien là une arme Sylva : faible et misérable, elle allait parfaitement bien avec la nature du clan de celui qui le tenait. Aucun bois ne faisait le poids contre une lame forgée dans de l'acier aquatique. Aucun bois ne pouvait prétendre concurrencer l'arme qui était la mienne ni dans son tranchant, ni dans sa dureté. et quand bien même il savait le manier correctement, au vue de mes réflexes, aucun coup ne me serait fatal...
A moins bien sûr qu'il ne se fut agit d'un bois spécial auquel cas... Non, les Sylvas étaient trop stupides pour penser à travailler un tel bois, bien trop occupés à regarder pousser l'arbre avec une béatitude sans fondement qui reflétait bien leur stupidité flagrante...

Je me rassurais donc quant à mes chances dans ce combat -car il était certain à présent que l'affrontement serait la seule issue de ce dialogue et quand bien même il serait évitable, je n'avais aucune envie d'épargner cette méprisable larve qui osait insulter les Aquas et donc ainsi ma personne-.

Ma dague aurait tôt fait de réduire en rondelle et le détenteur du bout de bois, et le bout de bois lui-même, et cette perspective de rendre le cadavre de ce cafard à sa terre chérie me plaisait tout particulièrement.

Mes lèvres s'étirèrent dans un rictus carnassier qui aurait pu faire penser à celui d'une Pyro. Je déclarai avec un accent sarcastique :

-Ainsi, tu préfères signer ton arrêt de mort plutôt que d'abandoner ton faible clan... Eh bien, ta stupidité fait honneur à ton clan...

Je levai la pointe de ma dague vers lui et prévins froidement :

- Je vais te montrer la puissance des aquas, et je me réjouirai de te voir ramper devant moi pour me demander mon pardon.

J'attendis quelques secondes avant de conclure :

-En garde, misérable ! Ne compte pas sur ma clémence : ta mort sera le seul tribut susceptible d'apaiser ma colère et de pardonner tes injures

Gaïa se stoppa net, il s'attendait à une confrontation mais la détermination de son adversaire l'avait alerté quelques instants.
Il se ressaisit aussitôt. Il n'avait pas peur... Il n'avait plus peur depuis longtemps.

-Si cela doit en être ainsi.

Il effleura son bâton de sa main libre, une branche de lierre vint s'y enrouler avec tendresse.

Gaïa évalua la situation, derrière lui se trouvait l'eau, elle ne devait pas le toucher, un contact pourrait le mettre en mauvaise posture.
Face à lui, et derrière la jeune fille, la terre, sa terre.
Il lança un regard torve à son ennemie, planta avec détermination son bâton dans le sol frais, et lança avec une courtoisie d'une ironie flagrante:

-Je te fais l'honneur de commencer.

Comment ? Ce faible osait aggraver encore son cas d'une atteinte non plus seulement à ma dignité d'Aqua, mais maintenant à celle de femme ?
S'il s'agissait d'un acte volontaire, ce dont je doutais, il y avait là une belle tactique de déstabilisation de l'adversaire que je devais relever. En effet, par ma récente expérience contre le Fondateur Pyro qui était parvenu à attiser ma colère et m'avait honteusement battue après que je lui aie fait maintes promesses de l'anéantir, j'avais compris que parfois trop accorder de confiance à sa rage de vaincre menait tout droit à la défaite, et que l'humiliation était d'autant plus cuisante que l'aveu de sa propre faiblesse était douloureux à se faire...

Aussi ne répondis-je pas à ces sarcasmes, -du moins pas par la force-... Non, j'avais à mon actif une autre arme, aussi redoutable que ma dague : ma parole, accompagnée d'un esprit assez vif. Mon ironie n'était-elle pas d'ailleurs la principale raison de ma popularité sur le Chomor ?

Je souris une fois de plus, mais cette fois celui-ci partait d'un sentiment plus proche de l'amusement que de la folie meurtrière.

Je contrattaquai donc :

- Voyons, les femmes d'abord ! C'est à toi que cet honneur revient...

Et, ne pouvant m'arrêter à si peu, j'ajoutai avec un ton mordant :

- A moins bien sûr que tu ne saches pas te servir d'une arme, auquel cas il n'est d'aucune utilité que je te laisse la vie...

Gaïa du admettre que la femme n'était pas si bête qu'elle n'en avait l'air.
Il savait bien que la haine ne conduisait à rien, si ce n'était sa propre perte, et c'était avoir de l'esprit que de s'en apercevoir.
Le Sylva resta lucide, ce n'était pas à forces de répliques controuvées au'il vaincrait son adversaire.

Il prit une longue inspiration silencieuse, laissa tomber son bâton sur le sol et commença sa métamorphose.

Sa cape se déchira dans un bruit de tissu, ses yeux se dilatèrent, ses dents blanches laissèrent place à des crocs jaunis... Il devenait loup.
Des griffes vinrent armer ses mains déliées, Gaïa était prêt.
C'était un homme mi loup qui se tenait ce soir là, au sein du firmament.
D'un geste brusque il bondit en direction de son adversaire, avec pour seules armes son panache et une branche de lierre...