Un passage difficile

Virée... Elle avait été virée... Maëlia Vorosanya, la belle elfe noire engagée dans l'armée, avait été virée pour "prise d'iniative sans autorisation d'un supérieur". Elle qui n'hésitait pas à prendre la tête des combats, à choisir les tours de garde les plus difficiles, à souvent assumer le rôle des autres, elle qui ne bronchait pas lorsqu'on lui attribuait des missions particulièrement périlleuses et dangereuses... Elle qui se dévouait dans son métier comme personne d'autre... Ecoeurée... complétement écoeurée... Il s'agissait là de jalousie, elle en était sûre. Le nouveau commandant ne pouvait pas la regarder sans la mépriser.
Voila donc 1 semaine qu'elle s'était mise en route afin de trouver la grande arche, et de pénétrer dans le chomor, en espérant y réintrégrer l'armée. La vie la-bas y était bien plus digne, elle en était persuadée.
Enfin elle la trouva, cette arche tant louée. Encore plus belle que ce qu'on lui avait décrit, l'arche surplombait le fleuve, l'illuminant et l'embellissant. Elle était immense mais toute en finesse et ellégance, et imposait le respect. Il fallait désormais l'atteindre et la traverser. Maëlia commença donc a relever sa cape, et plongea avec grâce dans l'eau tiède. Mais elle comprit en se retournant que ça ne pouvait être aussi simple. Sa jument, Isis, encore jeune, n'osait toujours pas nager. Elle ne traversait que rarement des rivières en marchant, et n'y était guère en confiance. Alors de la à nager... Maëlia revint à la berge et sortit de l'eau, se demandant comment elle allait pouvoir s'y prendre pour passer de l'autre côté de l'arche en compagnie de sa jument...

Fairath avait quitté la cité Volcanique depuis des jours. Sans se soucier du temps, il avait entrepris ce voyage dans un seul but: faire table rase du passé. Ce dernier le hantait, l'empêchant de dormir, le simple fait de fermer l'oeil lui faisant revivre la tristesse de la mort de son père, et chaque meurtre qu'il avait effectué de sang froid. Il s'était donc juré de revenir sur chaque tombe des personnes qui lui étaient chères, et de s'excuser auprès des familles auxquelles il avait pris parents et enfants... Un long voyage l'attendait donc, il lui fallait retourner sur la Terre qu'il avait habité, et quitter le Chomor.
Arrivé sur la rive du fleuve où l'Arche se dressait, il se jeta à l'eau, puis se propulsa de sa force surhumaine. Une fois l'Arche passée, il lui fut aussi simple de rejoindre la berge opposée.
Puis il la vit.
Une femme aux formes somptueuses, à la silhouette svelte, et aux muscles apparents.
Une femme des plus magnifiques qui soit.
Une femme qui lui fit perdre la raison dès la première seconde.
Une femme dont il s'approcha doucement, de la manière la plus douce qui soit, pour un semi-géant...

- Un problème Mademoiselle? Je suppose que c'est cette arche que vous souhaitez atteindre? Qu'attendez-vous donc?

Il la contempla silencieusement, se déléctant de chacun de ses mouvements, et attendit avec impatience qu'elle lui réponde...

Maëlia cogitait depuis vingt minutes déjà, en vain... Elle ne voyait aucune solution pour passer le fleuve avec sa jument; et il était hors de question de l'abandonner... La forcer n'était pas plausible, l'attirer non plus, quant à la porter... inutile d'y penser... bien que la jument soit frèle, et que l'eau soulage le poids, Isis aurait paniquée, et n'accorderait plus sa confiance à sa maîtresse. Le jour commençait à s'estomper, et Maëlia conclut donc qu'elle devrait passer la nuit là, en espérant avoir trouver une bonne idée pour atteindre l'arche le lendemain. Elle se leva donc pour sortir ses affaires et préparer son repas, lorsqu'une chose provenant de l'arche rompit l'eau à vive allure, en sa direction. La chose se fit être en réalité un semi-géant, qui nageait avec puissance, et une certaine élégance malgré tout, il fallait l'avouer. Maëlia se mis en garde, méfiante... L'homme arriva à sa hauteur et la contempla, chose qu'elle déteste... Elle referma discrètement sa main sur sa dague, dissimulée par sa cape. La masse de muscle s'approcha d'elle, et lui demanda tout en la dévorant des yeux si elle avait besoin d'aide.

- En effet je souhaite atteindre cette arche, répondit-elle sèchement, je ne reste pas plantée ici juste pour le spectacle, bien qu'il s'agisse d'une oeuvre admirable. Je n'ai en revanche nullement besoin de vos services et encore moins de votre compagnie...

Le semi géant ne lui paraissait pas antipathique, mais elle s'était jurée de ne plus jamais accorder sa confiance à un homme, depuis une aventure qui avait mal tournée durant sa jeunesse. Il était très impressionant, la barbe longue et une musculature entretenue, un beau bec-de-corbin pendant à sa ceinture. Elle perçut par ailleurs son regard lumineux et ses yeux envoûtants. Elle ne cessa cependant de poser sur lui un regard méfiant, témoignant de son scepticisme.

Elle était magnifique, même lorsqu'elle s'était adressée à lui à la manière d'une harpie que l'on aurait trop secoué par les pattes. Sa voix était voluptueuse. Fairath ne pouvait empêcher son regard de s'égarer au-dessous de son visage aux traits fins, de s'arrêter légèrement au niveau de sa poitrine, puis de descendre un peu plus...

- Hum, excusez moi... Je...

Il bafouilla encore quelques mots incompréhensibles, extrêmement gêné, les joues brûlantes, il détourna les yeux, puis vit les affaires déballées de la jeune femme.

- Oh! Vous vous installez pour la nuit!

Fairath trouva un arbre, non loin de la rivière, le déracina aussi facilement que si il avait arraché une mauvaise herbe, puis l'éclata à grands coups de genoux en plusieurs buches qu'il disposa pour former un feu de camp et qu'il entreprit d'enflammer d'un geste de la main.

- Je dispose de très bonnes saucisses provenant de la meilleure boucherie des Pyro, dans le Chomor, vous m'en direz des nouvelles!

Il s'assit, sortant de son sac les fameuses saucisses qu'il embrocha sur un pic et qu'il posa sur le feu... S'il ne pouvait se rapprocher d'elle grâce à ses muscles ou sa taille, il se rapprocherait d'elle par la nourriture! Qu'à cela ne tienne!

- Asseyez-vous! Asseyez-vous! Qu'attendez-vous? Je vous fait peur?

Il posa une nouvelle fois son regard sur cette femme qui lui fesait débiter tant d'idioties... Comment cette créature sans défaut pouvait-elle s'intéresser à ses saucisses...

Non mais je rève!!! Maëlia venait de déclarer qu'elle ne désirait pas être importunée, et voila que le tas de muscle ose arréter son regard sur son décolté. Elle referma vivement sa cape, et écouta les bafouillages inutiles de la pastèque qui se trouvait désormais face à elle.

-Oh, vous vous installez pour la nuit!

Mais quelle perspicacité... Le semi-géant se détourna et arracha un arbre sans efforts apparents. Il en fit un bûcher qu'il enflamma d'un geste de la main. Si tu comptes ainsi m'impressioner, c'est raté coco... Mais alors ainsi, toi aussi tu appartiens aux flammes... intéressant... Elle n'en revint pas lorsqu'il lui proposa de le rejoindre et de prendre part à son repas.

- Les meilleures saucisses?? Vous m'en direz tant... Navrée, mais j'ai de quoi me nourrir, et il me semblait vous avoir clairement expliquée que je ne souhaitais guère être dérangée... Et si par le plus grand des hasards vous décidiez de passer la nuit ici, je vous demanderai de vous éloigner davantage, il me semble que vous empiétez légèrement sur mon terrain, il y a bien assez de place aux alentours sans devoir vous coller à moi.

L'homme continuait de la fixer, béat...

- Et je vous demanderai aussi d'arréter de me scruter ainsi, j'ai horreur de ça. Sur ce bon appétit...

- Oh... Dans ce cas...

Elle était magnifique, certes, mais accerbe... Fairath venait de comprendre qu'elle ne voulait pas de lui auprès d'elle. Affreusement gêné, et les joues brûlantes, il s'adressa à elle une dernière fois:

- Excusez-moi, Mademoiselle... Loin de moi l'idée de vous offusquer... Mais vous êtes si belle, et moi si naïf... Mon instinct l'a emporté sur ma raison, je vous prierai de m'excuser... Pendant un instant je... J'ai cru que... Vous... Bref... Laissez tomber... Si jamais, un jour, vous vous rendez à la cité Volcanique, et que vous avez besoin d'aide, quelle qu'elle soit, demandez Fairath... Ou le mastodonte... C'est ainsi que l'on me nomme... Ce sera un honneur pour moi de vous servir... J'aurais volontiers abandonner ma mission pour vos beaux yeux, mais vous en avez décidé autrement... Grand bien vous fasse! Je Vous laisse donc vaquer à vos occupations... Adieu...

Il se leva, ramassa son sac, et reprit doucement la route. Cette femme avait été le rayon de soleil traversant une tempête de désespoir qui fesait rage dans l'esprit de Fairath. Il avait cependant été bien stupide... Aucune femme ne voudrait un jour de lui...Il savait pourtant, tout en marchant, que son coeur serait à jamais épris par la femme qu'il venait de quitter... Eternellement...

Maëlia se familiarisait finalement peu à peu à ce grand gaillard, dont le corps contrastait nettement avec l'esprit. Il avait l'allure d'un homme fort, fier et sûr de lui, un homme qu'on respecte et qu'on ne contredis pas... Au contraire, face à elle, il ne savait s'exprimer sans rougir et bégayer, montrant une certaine douceur dans ses mots, et de la tristesse dans son regard. Elle adopta un sourire de victoire lorsque celui-ci lui annonça son départ, mais changea finalement pour un sourire compatissant en repensant à ses paroles... Ce semi-géant si bien bati et en âge si avancé avait donc craqué pour une aussi frèle jeune elfe?... Elle ne pouvait le laisser partir ainsi; il semblait tellement désemparé... Elle reprit donc, mais sans pour autant perdre sa fierté.

-Euh, Fairath, je m'excuse de m'être comportée aussi dure avec vous, mais je suis jeune et je n'aime guère que l'on m'aborde, surtout un homme... Alors je suis toujours assez méfiante et hostile... Mais tout compte fait, pouriez-vous me rendre un service? Et je vous laisse vous installer auprès de moi... Mais ne vous imaginez pas pour autant gagner ma confiance!!

Fairath se retourna, comme mené par une main invisible... Il ne voulait pas entretenir d'espoir... Un espoir qui, s'il le laissait prendre trop d'ampleur, allait vite devenir infini, il le savait...

- Que voulez-vous de moi jeune Demoiselle? Je ferai tout ce que vous voudrez... Dans la limite de mes moyens... Seulement, je voudrais rectifier vos paroles... Je ne suis pas un homme, mais un semi-géant, et, malgré qu'en votre présence je perde complètement mes moyens, je suis plus intelligent et plus distingué que la plupart de tous les hommes que vous pourrez un jour rencontrer... Prenez-ceci comme de la prétention si vous le souhaitez, je qualifierais plutôt ceci de prévention...

Il s'approcha de la jeune femme, se mettant à genoux pour être à sa hauteur, prit ses mains entre les siennes, plongeant ses yeux d'un bleu de glace dans les siens, aussi magnifiques que tout son être entier.

- Donnez-moi simplement votre nom en échange, et je serai votre plus fidèle serviteur...

Le semi-géant s'agenouilla devant elle et lui prit les mains. Maëlia se dégagea doucement mais fermement, restant sur ses gardes. Ne pas se fier aux apparences; ne pas se laisser attendrir; ne faire confiance à personne... Elle le scruta quelques instants, puis finit par répondre.

- Je m'appelle Maëlia Vorosanya, et je suis une elfe noire comme vous avez pu le remarquer. Je me méfie de tout le monde, et je me moque que vous soyez un homme ou un semi-géant, ce qui m'intéresse n'est que votre esprit, non votre nature. Et il s'avère que je ne peux encore vraiment vous juger pour le moment... Mais je vous serais extrèmement reconnaissante si vous me veniez en aide. Je désire rejoindre l'autre côté de l'arche et pénétrer dans le chomor. Je sais nager et peux donc facilement y accéder, ma jument en revanche ne peux braver l'eau, et je ne trouve aucun moyen pour la faire traverser... Alors si par hasard vous auriez la moindre idée, n'hésitez pas à me la proposer...

Fairath se mit automatiquement au travail. Il chercha un moyen de faire traverser la jument sans qu'elle ne frôle l'eau, et n'en trouva qu'un seul.
Il se dirigea à nouveau vers quelques arbres, en déracina trois, puis défit les lanières de son sac. Ils noua les troncs entre eux. Fairath se gratta le crâne, gêné, une fois de plus, et se justifia:

- Bon évidemment... Euh... Ca n'a rien à voir avec les belles embarcations qu'on peut trouver un peu partout...

Il regarda Maëlia, recherchant un infime soutien au fond de ses yeux, et n'y trouvant rien, reprit:

- Mais je pense que si vous faites attention à votre jument pendant la traversée, ça ne posera pas de problème majeur, ça doit être assez stable. Vous vous chargerez de la retenir sur ce radeau de fortune tandis que je pousserai le radeau... Cela vous va-t-il?

Maëlia fut surprise de voir le semi-géant se mettre aussitôt en quète d'une idée. Idée qu'il trouva assez rapidement, par rapport au temps qu'elle avait passé elle à retourner le problème dans tous les sens sans pour autant trouver de solution...
Il entreprit d'arracher trois arbres à la terre (chose qu'il fit avec autant de facilité que la première fois) et de les nouer ensemble, de façon à faire un radeau suffisamment stable pour la traversée jusqu'à l'arche.
Une fois l'oeuvre achevée, les yeux de l'elfe brillèrent un instant, heureuse de savoir qu'elle allait enfin pouvoir pénétrer dans le chomor. Elle remercia donc son créateur.

- Ca me va parfaitement, merci beaucoup, je ne pensais plus pouvoir atteindre l'arche pour le moment. Mais la nuit étant tombée, je proposerais qu'on attende demain pour effectuer la traversée, si cela ne vous gêne pas... Je préfère ne pas m'aventurer dans l'eau dans ce noir, tout d'abord celle-ci doit être glaciale, et n'étant pas tout à fait sûre de la réaction d'Isis, faire cette opération en plein jour sera certainement plus facile. Je me permets donc de finir de m'installer puis de manger.

Maëlia termina rapidement de monter sa tente, sortit un morceau de pain, de la viande séchée et une pomme de son sac en cuir, s'assit en tailleur et commença son repas, admirant l'arche qui se trouvait face à elle. Il s'agissait vraiment d'une construction fabuleuse, tout en détails et en finesse. Aucun des plus beaux villages qu'elle connaissait n'abritait pareil merveille.

Fairath était aux anges...
Il s'assit près d'elle... Elle était si belle... Il la fixa un long moment, puis laissa échapper, dans un souffle:

- Vous êtes magnifique...

Puis il toussa, s'empourpra, se leva, et plus fort:

- Cette Arche est vraiment magnifique! Je ne cesse de l'admirer!

Il se rassit, puis sortit de son sac une énorme couverture dont il se recouvrit. Il s'allongea tout près du feu, de manière à povoir tout de même observer l'elfe.

- Je dois dormir... Une longue route m'attend demain. Après vous avoir fait traverser, je reprendrai la route...

Je sais que rien n'est possible entre nous de toute manière...

- Je vous indiquerai la route de la cité Volcanique, vous n'auriez qu'à suivre mes indications.

Puis il lui tourna le dos. Il avait été heureux, et à présent une larme coula le long de sa joue, pour se perdre dans sa barbe. Ah... Les femmes!

Maëlia croquait dans sa pomme quand le colosse s'enroula dans sa couverture pour commencer sa nuit. Auprès du feu. Tout près d'elle.

- Vous ne mangez pas? Vous avez tort, je connais bien ces lieux, j'ai exploré une grande partie de ces contrées dans ma jeunesse... Et on y trouve beaucoup plus d'embûches que l'on ne pense. Alors à votre place, je sacrifierai un peu de sommeil pour quelques bouchées, surout qu'il n'est pas recommandé de dormir le ventre vide...

L'elfe noire rougit dans la nuit, repensant que le semi-géant à qui elle parlait avait probablement dans les 40 ans, et savait certainement ce qu'il fesait. Il devait se moquer des conseils d'une jeune fille de 19 ans...

- Enfin c'est vous qui voyez, je suppose que vous savez ce que vous faîtes.

Maëlia se leva, rangea ses quelques affaires éparpillées, vérifia une derniére fois que sa jument était bien attachée, mais pas de trop cependant afin qu'elle puisse rapidement s'échapper si besoin est, et décida d'aller dormir. Elle aussi avait un lourd programme pour la journée du lendemain.

- Oh, une dernière chose, les nuits sont particulièrement fraîches ici, alors si jamais vous avez froid, n'hésitez pas, réveillez-moi, j'ai des couvertures supplémentaires dans mes sacs. Bonne nuit, j'espère que ma jument ne troublera pas votre sommeil.

Elle rentra dans sa tente et se coucha, mais n'avait finalement pas du tout envie de dormir. Elle se mit alors à penser à tous les évènements qui lui arrivaient, et à tous ceux qui suivront...