[FINI/suite au dolmen] Le dernier restaurant du coin

Pavel et Laerin arrivèrent rapidement près d'un restaurant à l'allure baroque et ancienne, atypique et au bord de l'archaïsme*. La jeune fille fut pourtant vite séduite par ce côté du bâtiment, et un échange de signes de têtes suffirent aux jeunes gens à s'accorder sur le choix de l'établissement. L'ange, passée devant, poussa la porte avec l'envie de découvrir l'intérieur du dernier restaurant du coin. En effet, avec un chouïa d'exagération, La Crevette Grise était le seul signe de vie dans un rayon d'au moins cinq rues. Les vieilles habitations abandonnées qui encerclaient le crustacé semblaient être occupées par des fantômes, leur état ne laissant pas tant à désirer que cela. Lorsque l'Aera pénétra à l'intérieur du restaurant, elle découvrit un bar en bois sombre, de petits tabourets surélevés en velours verts et des tables dans l'allée, auxquelles des fauteuils en cuir émeraude étaient assortis. Des petites bougies par-ci par-là éclairaient les visages silencieux et assombris de mélancolie des trois clients et de la personne qui s'occupait du bar. Quand la jeune fille entendit le plancher craquer sous ses bottes, les quatre paires d'yeux se posèrent sur elle et ses ailes mal dissimulées. A ce moment, ses yeux à elle se ruèrent sur le sol et n'en décollèrent pas alors qu'elle avançait dans l'allée. L'Aera entendait Pavel rentrer derrière elle et refermer la porte. Elle s'arrêta alors et se retourna, afin de l'attendre, et releva le regard vers le jeune Sylva. Lui, avait l'air à l'aise mais pas non plus décontracté. Elle lui sourit et fut heureuse de pouvoir s'assurer que sa réaction et sa démarche lui avaient fait comprendre son intimidation. Elle ne savait pas d'ailleurs comment aborder le propriétaire du restaurant, et où aller maintenant qu'elle était rentrée. Sans-doute allait-elle compter sur son compagnon de route pour faire la besogne. Cette simple idée l'agaçait déjà, mais elle n'était pour l'instant pas en mesure de faire autrement. Malgré cela, la jeune ange devait tout de même se montrer un minimum polie, ne serait-ce que devant Pavel, pour s'excuser à l'avance de sa timidité maladive. C'est pourquoi elle souffla sans grande conviction et d'une petit voix soumise :

- Bonjour...

*Je me suis permise de décrire le resto comme ça, si tu préfère un truc plus extravagant, préviens-moi, j'éditerai !

[HRP: Après une vérification sur la carte du Chomor... Bon, le port et le village d'Ostanay ne sont pas de tout proches... ^^' Cependant, j'ai demandé quelques indications à un admin qui m'a dit que ce n'était pas grave si on ne respectait pas les distances, et que la carte était une aide à ceux qui ne voyaient pas comment s'imaginer les lieux du fofo... Je tenais à te le préciser !]

Pavel suivit Laerin dans la ville, ignorant où trouver un restaurant. Ils finirent par arriver dans les vieux quartiers, devant un restaurant aussi ancien que les habitations autour. Une pancarte grinçait au dessus de la porte et montrait un dessin de crevette entouré du nom « La Crevette Grise ». Elle poussa la porte et entra. L’intérieur était sombre mais plutôt au goût de l’aventurier. Une décoration sobre, et des tabourets verts alignés devant le bar. Autour des tables en bois massifs se dressaient des fauteuils en cuir assortis au reste. Une odeur délicieuse sortait des cuisines et envahissait lentement la salle. Malgré l'atmosphère sombre et oppressante, l'endroit paraissait accueillant et intime. Trois personnes discutaient silencieusement dans un coin, plongés dans des chopines, et au passage des deux compagnons, un silence s'installa et tous fixèrent l'ange d'un air surpris et mauvais. Pavel ne comptait pas laisser s'installer un tel climat, et s'approcha de la table en les les dévisageant d’un air qui se voulait agressif.

-Vous avez problème messieurs ?

Le regard fuyant, ils repartirent dans leur interminable discussion. Laerin quand à elle, s’avançait vers un homme, accoudé derrière un bar sombre. Certainement le patron de l’établissement. Timidement, elle prit la parole :

- Bonjour...

Pavel sentait qu’elle était mal à l’aise dans ce restaurant, et s’avança à son tour vers le bar. Il tapota légèrement dans le dos de Laerin.

-T’inquiète pas, je m’en occupe. Lui chuchota-t-il à l’oreille en la frôlant.
Bonjour, c’est vous le patron ? Nous voudrions une table pour dîner ce soir.

-Les animaux ne sont pas admis ici, mais pour la table, je vous laisse choisir.

Le jeune homme fit sortir Freki, lui ordonnant de retourner à la cabane dans le village sylvestre. Il rejoignit ensuite l’Aera à l'interieur.

-Une préférence ? Sinon, cet table là-bas au fond pourrait convenir non ?

[C'est parfait ^^]

Laerin tourna la tête vers la table indiquée, tentant d'éviter le regard des trois hommes, et sentit un quasiment imperceptible frisson lui parcourir l'échine. Elle acquiesça alors d'un signe de tête et d'un sourire pressé, puis s'y dirigea à pas lents, par politesse envers Pavel, bien qu'elle ait préféré être plus rapide. Les yeux attirés par le tableau sombre, flou et mystérieux accroché au mur, Laerin demeura plusieurs secondes debout, près de la table, à essayer de comprendre comment était installé le personnage. Elle s'assit finalement, déclarant forfait, et saisit d'une main gantée un peu gênée la carte qui ne devait sûrement pas souvent être consultée. Les plats ne lui disaient pas grand-chose, mais il fallait bien qu'elle se nourrisse. Elle attendit longuement, le regard alternant dans le vague et sur les mots agaçants qui ne cessait de lui faire gargouiller le ventre. Finalement, comme s'il les avait expressément fait attendre, le propriétaire du bar, qui ne faisait rien, alla voir les deux jeunes gens et leur demanda ce qu'ils voulaient manger. La jeune ange fut d'autant plus surprise qu'elle venait de rentrer dans une phase de rêverie et qu'elle n'avait pas encore fait son choix. Dans l'empressement, elle opta pour le premier plat inscrit, qui mêlait viande et légumes selon la description, qui avait un nom étrange et qui ne devait pas coûter trop cher s'il était en tête de liste. C'était sa façon à elle de raisonner. Deux minutes s'écoulèrent dans un silence profond, jusqu'à ce que, se sentant forcée de dire quelque chose, Laerin prononça ces mots :

- Merci pour tout à l'heure, je n'aurai jamais osé parler à cet homme... Comment faîtes-vous pour savoir quand quelqu'un n'est pas à l'aise ? demanda-t-elle intriguée et reconnaissante.

Ils avançaient tout deux à la table qu’avait indiqué Pavel. Il remarqua alors un tableau assez mystérieux auquel il ne prêta qu’un bref regard. Une fois installé à son aise, il consulta le menu. Il n’avait que rarement l’occasion de partager un vrai repas, et comptait bien en profiter. Le barman s’approcha de la table, et écoutait, prêt à noter sur un calepin. Pavel opta pour une pièce de viande avec sa garniture. Une fois qu’il était partit, Un petit silence s’installa entre eux, mais Laerin le rompit :

- Merci pour tout à l'heure, je n'aurai jamais osé parler à cet homme... Comment faîtes-vous pour savoir quand quelqu'un n'est pas à l'aise ?

-Ne me remerciez pas, c’est normal, non ? Vous m’aviez dit dans l’entrepôt que vous supportez mal le regard des gens, et j’ai remarqué une pointe de timidité quand vous vous êtes adressée au barman. Alors plutôt que de vous pousser et de laisser s’installer un climat qui n’aurait sûrement pas été des plus apreciables, j’ai préféré m’en occuper immédiatement. J’espère ne pas vous avoir vexée en faisant ça.

On pouvait entendre le cuisinier s’affairer derrière le bar, et toujours les trois homme chuchoter dans leurs coins, on pourrait croire qu’ils complotent. Pavel observait le visage de Laerin éclairé par le simple halo de quelques bougies à moitié fondu. Il continuait à observer la carte, ou il pouvait lire une multitude de plats à base de poissons ou de fruits de mer. L’atmosphère pesante se détendit quand un des trois homme partit en pestant contre les deux autres et en claquant la porte.

-C’est pas dommage, avec un peu d’espoir, les autres suivront. Vous buvez quelque chose avec votre repas ?

Laerin réfléchit longuement à ce qu'elle pouvait bien boire. Elle n'aimait pas particulièrement l'alcool et n'avait pas du tout envie de discuter de ce que le restaurant proposait de fruité ou d'extravagant avec le barman. Elle opta donc pour de l'eau, fraîche, simple et tout à fait facile à demander.

- Un verre d'eau me suffira, merci dit-elle avec une politesse un peu exagérée.

Au bout d'une dizaine de minutes à attendre, le serveur se dirigea vers les deux jeunes Chomodiens avec une assiette dans chaque main, et les déposa avec un certain manque de délicatesse sur la table. Laerin souffla un "merci" très vaguement convaincu et commença à picorer. C'était plutôt bon. Un peu fade, mais tout à fait mangeable. Elle commençait à se sentir assez à l'étroit sur son fauteuil de cuir, prévu pour des personnes normales, alors que ses ailes lui compressaient la colonne vertébrale et les épaules. Néanmoins, elle fit un effort pour paraître confortablement installée et oublia vite la douleur, se forçant à ne pas y penser. Le temps passa, les deux hommes qui restaient ne se retiraient pas. Le barman semblait plongé dans des occupations douteuses. Finalement, alors que Laerin terminait son plat, un des deux clients se dirigea vers la porte et lança un regad hargneux à Pavel et à Laerin. Il sembla les contempler pendant de longues secondes et finit par désigner les deux jeunes gens d'un mouvement du menton à son accompagnateur. Ce dernier ce tourna vers les concernés et les observa longuement. Malheureusement, seule Laerin pouvait voir cette scène, son ami ayant le dos tourné. Elle lança alors un regard de détresse au jeune Sylva et lui souffla, méfiante:

- Les deux hommes... Ils nous regardent bizarrement...

Pavel appela le serveur pour commander une carafe d’eau pour eux. Il revint avec les plats et la boisson quelques minutes plus tard. La pièce de viande était délicieusement saignante, et se coupait sans difficulté. Le jeune homme se régalait dans la simplicité d’un bon repas avec une personne qu’il appréciait. Tellement longtemps qu’il n’avais pas passé un tel moment… Mais malgré ce petit moment de bonheur personnel, l’atmosphère se voulait oppressante et menaçante. Laerin avait l’air paniquée, et regardait sans cesse les deux hommes restant dans le dos de Pavel. A la fin de leurs repas, elle lui souffla qu’ils les regardait bizarrement.

-Je m’en doutais un peu, vous n’aviez pas l’air tranquille. Pas possible de dîner en paix. De plus, ils ne me donnent pas l’impression d’être bien nets, et j’ai un très mauvais pressentiment pour la suite de cette soirée. Je pense que j’aurais peut être l’occasion de dégainer ma lame, mais j’espère ne pas y avoir recours.

Il se retourna, et observa longuement les deux compagnons au fond de la salle. Ils n’avaient pas l’air bien menaçant, mais semblaient mauvais, et dégageaient une aura malveillante et mauvaise.

-Peut être qu’ils n’aiment juste pas les étrangers, ou alors ils n’ont peut être pas apprécié ma remarque. Par contre, et je souhaite qu’ils ne soient pas ce à quoi je pense. J’ai entendu des gens parlers à voix basse de clans de chasseurs de mages dans les tavernes de Weyard. Ils ne s’en prendraient qu’au « créatures démoniaques » tels les vampires, loups garous et autres êtres mêlé aux mythes et rituels magiques. Ces athées sont redoutés de tout les Mystiques de Val. Je prie pour que Gaïa nous écarte de cette possibilité, car nous serions dans un sacré pétrin. Dans mon monde, il paraîtrait qu’ils savent annihiler les pouvoirs de leurs cible et les traquent sans relâche...

Depuis longtemps, Pavel se sentait mal à l’aise. Il sentait quelques gouttes perler sur son front. Le regards des deux commençait à exercer une certaine pression morale sur le jeune homme. Pas question de se laisser emporter par la panique. Il se leva de sa chaise et se dirigea vers la table des perturbateurs. Se tenant sur ses gardes, prêt à sortir sa lame, les regarda l’un après l’autre, les dévisageant. Il s’appuya contre la table.

-Je vais être clair avec vous. Je suis venu ici car j’avais faim, et que c’était un des seuls restaurants encore ouvert des les parages. Cette personne avec moi est différente de vous, et si ça pose un problème, on peut régler ça de suite.

Ils grommelèrent en se lançant un regard inquiétant et se tournèrent vers Pavel. Ils se levèrent et le repoussèrent plus loin.

-Tu vas faire quoi, minable ! Tu crois jouer au héros en la protégeant ? Tu crois que t’auras l’air malin quand on t’auras fait avaler la table ?

-Wai, on vas être sympa, on vas vous laisser du temps pour vous tirer, après on vous démonte.

Le jeune homme se tournait vers Laerin à présent, attendant un acte de sa part.

Laerin se sentit soudainement dans un état de panique sans précédent, ou presque. Déjà, lorsque Pavel lui avait raconté l'histoire des chasseurs de mages, elle avait sentit son cœur battre de plus en plus fort et avait perdu l'appétit. La jeune ange sut donc encore moins comment réagir lorsque la discussion augmenta d'un ton. Elle était restée assise quand Pavel s'était levé donner une petite leçon aux inconnus, mais malgré sa peur et ses remords, elle avait eut le reflexe de se mettre debout - ce qui était fort inconfortable, le fauteuil et la table étant cloués au sol - lorsque le premier homme s'était avéré agressif. Ce geste, qui déjà lui paraissait fort imprudent, avait fait tourner l'œil d'un des deux bonshommes vers elle. Ses ailes s'étaient alors déployées brusquement, dans un froissement bruyant, et l'avait soulagé d'une douleur tortionnaire. Puis la jeune fille avait rejoint son ami près de la table des indiscrets et avait protesté avec maladresse et un manque de répartie assez pitoyables :

- Arrêtez ! Vous ne savez même pas qui nous sommes, ni lui, ni moi ! Je ne sais pas ce que vous voulez, mais il est évident que votre façon de procéder n'est pas la bonne. Et vous feriez mieux de ne pas vous en prendre à des personnes dont vous ne connaissez rien, parce que je n'accepterai pas que deux hommes d'une grossièreté comme la vôtre se montre impolis et irrespectueux avec un ami, que je sois une fille ou pas, un ange ou autre chose ! Elle hésita à évoquer les origines Sylvas et Aeras des deux jeunes gens, ce qui pouvait avoir pour conséquence d'être encore plus convoités. Néanmoins, elle savait que son discours pathétique ne servait à rien, et qu'elle devait même empirer les choses. Elle avait confiance en Pavel mais ne voulait en aucun cas tout lui mettre sur le dos. Encore plus paniquée par le regard luisant des deux inconnus et le sourire sadique fendant leurs affreux visages, l'Aera recula d'un tout petit pas et se retrouva à quelques millimètres du bar et de Pavel. Alors qu'ils s'humidifiaient, ses yeux tombèrent sur un lustre juste placé au dessus de la tête d'un des hommes. Elle commença à trembler, peu sûre d'elle et à se recroqueviller près de son précieux allié. Elle cacha alors sa main derrière elle et, d'un geste que, heureusement, personne ne put voir, elle fit tomber le plafonnier, arrachant avec lui un bout de plâtre et écaillant la peinture. Le lourd objet s'abattit en même temps que son poignet sur le premier inconnu mais Laerin refusa de voir le résultat de son acte héroïque. Elle agrippa ses petites mains gantées et tremblantes au bras du jeune Sylva et dissimula son visage apeuré derrière ses ailes qui l'enveloppèrent presque entièrement. Elle n'avait pas finit de se battre mais entendait encore son cœur battre la chamade.

Laerin s’était levée de son fauteuil et avait déployée ses ailes blanches à l’intérieur du restaurant. Sans trop attendre, elle s’était approchée de la table des deux inconnus. Les sermonnant vivement, ils ne semblaient pas tenir compte de sa remarque. Pavel pouvait déceler une pointe de panique dans ses paroles, et s’inquiéta de la réaction des deux agresseurs. Elle recula derrière le jeune Sylva, et se retrouva presque contre le bar. Soudainement, le lustre suspendus au dessus d’eux dans un fracas incroyable de verre brisé et de bois déchiré. Dans le nuage de poussière dégagée par la chute de l’objets, ou pouvait entendre le gémissement d’un des deux hommes. La jeune ange s’agrippa au bras de Pavel, tremblante comme une feuille. L’Aera replia ses ailes autour d’elle, de manière à se protéger. La réaction de l’homme valide ne se fit pas attendre, et il saisit un pied de la table, fracassée, et chargea les deux compagnons. Le sang de l’aventurier ne fit qu’un tour et il leva son bras valide, ce qui fit surgir un pan de roche qui se fissura à l’impact. Le mur s’effondra et Pavel sorti sa lame avec laquelle il porta un coup violent sur le brigand. Celui-ci esquiva de justesse la frappe, et couru vers la porte d’entrée.

-Vous, on vous aura un jour ou l'autre, saleté d’étrangers !

-C’est ça court, vas prévenir ton chef que si vous vous attaquez encore à nous, je ne serais pas si clément !

L’homme sous le lustre essayait encore de se débattre dans les décombres. Le Sylva rangea sa lame et fit basculer le lourd objet pour dégager le malheureux. Il le saisit par le col de son long manteau et l’envoya ensuite violemment contre le bar avec un coup de poing dans l’abdomen.

-Qui es-tu, et qu’avez-vous contre les étrangers ?

Laerin demeura longtemps dissimulée derrière ses ailes, les yeux brillants de larmes et la tête pleine de peur. Elle était de plus en plus reconnaissante envers Pavel qui la protégeait malgré son manque de courage, mais était tétanisée et ne pouvait rien faire. Pourtant, elle suivait avec attention les moindres gestes des inconnus, ainsi que ceux du barman qui n'osait pas réagir et qui semblait presque aussi terrifié que la jeune fille. Et alors qu'un des deux hommes s'enfuyait lâchement, abandonnant son ami sous plusieurs kilos de verre et de plâtre, l'Aera commença à desserrer l'étreinte de ses ailes et à se découvrir. Elle pu ainsi assister au violent coup de Pavel, asséné dans l'abdomen du dernier individu. Elle se sentit soulagée mais d'une inutilité affligeante. C'est pourquoi elle se rapprocha et dégaina son cimeterre, ne serait-ce que pour faire signe à Pavel qu'elle était en mesure matérielle de se joindre à la bagarre. Elle observa alors longuement le visage apeuré, geignard et implorant de cet affreux personnage et attendit sa réponse, sachant qu'elle n'arrivait pas à faire le regard foudroyant qui fait frémir les petits rebels.

- Je fais parti d'un Clan secret. Je... Je suis censé me débarrasser des gens comme vous !

- Qu'est-ce que c'est, " des gens comme nous " ? demanda Laerin sans trop d'agressivité.

- Des... Des gens bizarres, des gens qui ne sont pas d'ici... Qui ont le pouvoir de faire tomber des lustres sur les gens par exemple !

La jeune fille eut un petit mouvement de recul et un regard faussement surpris. C'est précisément à cet instant qu'elle fit attention à ne pas poser son regard sur le barman qui l'aurait sûrement assassiné, du moins s'il avait été assez intelligent pour comprendre. Un silence s'installa, et Laerin reprit la parole.

- Donc vous faîtes parti d'un Clan secret... Xénophobe, c'est ça ? demanda-t-elle avec un ton de reproche. Son interlocuteur ouvrit de grands yeux interrogateurs, peut-être ne sachant pas ce que cela signifiait. L'Aera tourna la tête vers Pavel qui le retenait toujours et demanda à voix basse, de façon à ce que personne n'entende, sauf lui :

- Peut-être que ce serait bien de connaître son chef, non ?

Pavel souria quand il vit que Laerin reprit confiance en elle quand son cimeterre fut dégainé et qu’elle prit la parole, questionnant l’inconnu. Il se présentait comme membre d’un clan qui aurait pour but de se débarrasser des mystiques ou des étrangers, ou des deux en même temps.

-Alors vous ne voulez pas de nous ici ? Dommage...

Il saisit l’homme par le col de son manteau, le souleva légèrement du sol et l’y projeta violemment, dans un fracas de verre brisé.

-Tu l’as entendu non ? Qui est ton chef ? Et où peut on le trouver ?

-Tu crois vraiment que je vais te le dire ? Tu perds ton temps, je ne dirais rien !

-Hum… C’est mal me connaître, je n’abandonne pas si facilement.

Pavel lui assena un violent coup de talon dans les côtes, arrachant à l’inconnu un gémissement qui se roulait dans les débris.

-Toujours pas ? C’est dommage, vraiment. Mais alors, si tu ne compte plus nous en dire plus, pourquoi te laisser la vie sauve alors que tu as attenté à la notre ? La mort pure et simple serait trop facile, pourquoi ne pas jouer un peu ?

Le jeune homme se rapprocha de l’ange, en lui soufflant doucement de ne pas s’inquiéter. Il sortit lentement sa lame et la planta dans le parquet. Ce dernier se déchira autour des jambes de l’agresseur, les glissant dans une fosse sombre. Il retira l’épée et la brèche se colmata au niveau des genoux, enfermant les membres sous le sol. Pavel, affichant un léger sourire, s’accroupit à coté du visage de l’inconnu, déformé par la peur et la souffrance.

-Donc tu ne diras rien, , mais tu n’iras nulle part, et je vais te broyer os par os, jusqu’au dents pour avoir une réponse de ta part. Qui connaît la limite des pouvoirs d’un Mystique ?

Il se redressa, lui tourna le dos de manière à être de face à son amie, en lui adressant un clin d’œil complice. Ensuite, levant les bras vers le plafond et psalmodia des paroles incompréhensibles. L’effet désiré par l’aventurier ne se fit pas attendre, et l’homme se tordit de peur comme un ver, implorant la pitié.

-D’ACCORD, JE VAIS PARLER ! Mais ne me faites plus de mal ! Je suis pauvre, j’ai une femme et des enfants à nourrir et le clan les protègent et subvient à leurs besoins. Le premier à être sorti devait nous engager, et en preuve de notre volonté d’entrer dans le clan, nous devions lui ramener des plumes de la demoiselle et votre tresse… Tenez, sur ce papier, il nous a indiquer comment rejoindre l’entrée secrète. Mais maintenant, relâchez moi, par pitié !

Pavel prit la carte improvisée et l’observa longuement, sans savoir où ça pourrait bien être. Il regarderait plus tard dans l’atlas qu’il avait emprunté au village Sylva. Il le tendit à Laerin et fit un geste du bras, relâchant les genoux de l’individu. Il se leva et s’épousseta brièvement.

-Merci, mais maintenant que vous savez ça, le clan va vouloir ma peau et celle de ma famille. Si vous vous y rendez, ne leurs dîtes pas que je vous ai donné l’emplacement de l’entrée, sinon ils n’hésiteront pas à nous massacrer !

-J’y penserai, vas-t’en.

Il ne se fit pas prier, et déguerpissa à une vitesse folle. Une fois le calme revenu, Pavel observait le morceau de papier sur lequel on pouvait voir un vulgaire dessin d’un « monument » en pierre. Il sortit son atlas et le fouilla, en cherchant quels pourrait être ce lieu avec une structure en pierre...

Laerin sourit intérieurement au départ de l'inconnu. Elle comprit alors que Pavel était aussi convainquant et impressionnant que poli et gentleman. C'est cette pensée qui lui fit rougir les joues dès qu'elle ne pu plus entendre les pas rapides et irréguliers du fugitif dans la rue pavée. Alors que le Sylva était en train de consulter un petit atlas, afin d'y retrouver le gribouillis approximatif que lui avait donné l'inconnu, plus si inconnu que ça, la jeune fille jeta un œil au dessin. Laerin se joignit à la recherche et le bar resta longtemps plongé dans le silence. Le barman s'était tout simplement évanoui, ce qui jurait avec son attitude trop virile et grossière de tout à l'heure. Le restaurant était dans un très bel état désormais. Mais en même temps, n'importe qui aurait pu dire qu'il avait besoin d'une petite rénovation. Au bout de quelques minutes de balayage de la carte des yeux, Laerin, qui tenait le schéma, s'exclama avec joie et en pointant du doigt le lieu trouvé :

- C'est là ! Enfin, il me semble...

En effet, sur l'atlas de Pavel, une espèce de dôme en pierre anthracite paraissait s'élever au cœur d'une plaine, non loin de la forêt. Laerin replongea dans sa mémoire, tentant de se souvenir d'un tel endroit, près duquel elle se serait éventuellement reposée.

- Ce truc me dit quelque chose... Il me semble bien que je sois passée par ici à mon arrivée sur le Chomor, et je me souviens d'une construction qui ressemblait à ça... En granit, ou quelque chose de plus solide encore. D'après les vagues réminiscences que j'ai de ce lieu, je crois bien que ça ressemblait à un temple ou à un autel... C'est en tous les cas ce que je me suis dit quand je l'ai vu... Si j'avais su que c'était le QG d'un Clan d'exterminateur !

La jeune ange n'était pas vraiment sûre d'elle. D'autant qu'elle n'était pas restée longtemps dans le coin et que les souvenirs qu'elle en avait étaient surtout ce qui ressemblait à des ruines ou à un lieu abandonné. C'est pourquoi elle préféra demander son avis à Pavel :

- Vous avez déjà vu cela vous ? C'est proche de la forêt en tous les cas. C'est soit en territoire Sylva, soit en territoire neutre.

L’ambiance dans le restaurant était retombée, et avait laissée place à une atmosphère plus détendue, malgré l’air choqué du barman. Plongé dans l’atlas, il remarqua quand même les joues de Laerin se teinter de rouge. Pavel sourit, et continua de chercher le lieux indiqué sur la carte. Quand elle s’écria qu’elle avait peut-être trouvée, indiquant avec son doigt un édifice rocheux proche des forêts.

-Hum, en effet, c’est assez ressemblant. Nous devrions aller voir, pour en avoir au moins le cœur net. J’ai déjà vu ce genre de structure, mais pas encore sur le Chomor. Sur Weyard, ce sont des sépultures dédiées aux hommes et femmes qui ont dévoués leurs vies à la déesse Gaïa. Pas une seconde on oserais les souiller d’une telle activité, et même les pillards les plus intrépides évitent les dolmens de peur de s’attirer la fureur divine.

Le patron s’avança vers eux, tremblant, en leurs avançant un plateau avec une petite note de papier. Dessus était inscrit le montant des repas. Lisant et relisant l’addition, il glissa la main vers sa bourse et la decrocha pour la déposer dans la main du gérant, qui affichait a present un large sourire en soupesant l'or.

-Vous pouvez garder la monnaie, histoire de retaper votre petite auberge. Pavel se tourna vers Laerin. Quelle journée ! D’abord notre rencontre, ce dîner « aux chandelles » et une petite rixe en guise de digestif… J’en connais un qui vas bien dormir cette nuit ! Nous devrions nous mettre en route non ?

Laerin eut un petit rire approbateur et ses joues se tintèrent de plus belle. Mais bon, avec le nombre de fois où ça lui était arrivé, Pavel n'y faisait sûrement plus vraiment attention. La jeune fille acquiesca alors à la proposition de son ami et les deux jeunes gens sortirent de l'auberge. Il était environ treize heures, il faisait plutôt bon bien que les ruelles qui séparaient les vielles maisons étaient pleines de courants d'air. Le soleil chauffait de ses rayons ardents les ailes de Laerin, provoquant quelques légers froissements dans ses plumes. Il était certain qu'il faisait plus chaud ici que dans l'entrepôt. D'ailleurs, Laerin avait rendu à Pavel sa cape en le remerciant et avait retiré sa petite veste, la rangeant proprement dans sa sacoche. Namïya avait pointé le bout de son museau et on pouvait entendre ses petits couinement plaintifs, sous l'effet de la chaleur. Heureusement, alors qu'ils passaient sur une place abandonnée, les deux aventuriers se posèrent quelques minutes près d'une petite fontaine en marbre blanc. Laerin y fit boire sa souris et rempli une petit gourde. Alors qu'elle se relevait, la jeune fille demanda, curieuse :

- Vous croyez que l'activité de cette secte a un rapport avec la guerre ? Parce que si le travail de ses membres consiste à exterminer les créatures magiques et les humains qui ont des pouvoirs, autant dire que ce qu'ils veulent, c'est une guerre civile au milieu d'une guerre mondiale !

La jeune ange s'était prise la tête. Est-ce que ce clan était composé uniquement de Sylvas, de Pyros, d'Aquas et d'Aers, ou est-ce qu'ils venaient d'autre part ? Après tout, n'importe quelle planète pourrait voloir la perte d'une autre. Et ça aurait été étrange qu'un clan se forme de Chomordiens de toutes origines. Alors a moins d'accuser uniquement les Sylvas, les Pyros, les Aquas ou les Aers, il n'y avait pas de réponse. Tout ça était bien dérangeant. Et la jeune fille ésperait que Pavel penserait comme elle.

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